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« Les coupes claires dans les budgets des ministères régaliens sont une folie. » Retrouvez ma tribune dans Le Figaro

La colère est saine lorsqu’elle est provoquée par une cause juste. En démissionnant avec panache et courage de ses fonctions de chef d’état-major, le Général Pierre de Villiers a mis en lumière l’injustice faite à nos armées. « Je ne pourrai plus regarder mes gars dans les yeux si on réduit encore nos moyens », confiait-il à huis-clos devant la représentation nationale. C’est pour continuer à regarder nos soldats dans les yeux, mais aussi nos policiers, nos gendarmes, nos magistrats, qu’il faut dénoncer avec la même force les coupes budgétaires annoncées par M. Darmanin, ministre en charge des Comptes publics. Quelque 1,5 milliard d’euros vont en effet disparaître des budgets de la Défense, de la Justice et de l’Intérieur en 2017. Porter atteinte à ces secteurs stratégiques alors que les menaces n’ont jamais été aussi élevées, relève d’une irresponsabilité coupable.

Notre pays est confronté à des dangers multiples. La France mène une guerre à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Contre les trafiquants et les criminels, qui ont bien souvent basculé dans la violence barbare. Contre les terroristes islamistes, qui s’attaquent à notre civilisation. Aujourd’hui, des malfrats tirent à balles réelles sur les forces de l’ordre. On incendie leurs voitures. Vingt policiers et gendarmes sont blessés chaque jour dans l’exercice de leurs missions. La radicalisation gangrène nos quartiers et nos prisons. Des bandes sont démantelées, des réseaux asséchés, des projets d’attentats déjoués par nos services qui accomplissent un travail exemplaire et épuisant car sans cesse renouvelé.

La situation est dramatique. La vétusté des commissariats de police ou des gendarmeries, le manque d’équipement, les retards technologiques empêchent les forces de l’ordre d’accomplir leur mission sereinement. Leurs véhicules roulent souvent avec plus de 300.000 kilomètres au compteur.

La Justice se trouve dans le même état de délabrement. Sa situation est critique. Près de 100.000 peines de prisons fermes ne sont pas exécutées. Les délais de jugement portent désormais atteinte aux libertés fondamentales. Sinistrée et délaissée, la Justice constitue un affront à ceux qui sont chargés de la rendre. En mai 2016, le garde des Sceaux de l’époque, Jean-Jacques Urvoas l’estimait même « en voie de clochardisation ».

Comment en sommes-nous arrivés là ? Force est de reconnaître que les responsabilités de ce désarmement collectif sont anciennes. Depuis quarante ans, l’effort budgétaire consacré à la protection des Français n’a cessé de diminuer. En 1965, l’État consacrait 6,5% du PIB à la Justice, la Défense et la Sécurité. Aujourd’hui, c’est à peine 3,16% du PIB qui est dévolu aux dépenses régaliennes (0,85% pour la Sécurité, 0,37% pour la Justice et 1,80% pour la Défense). Un chiffre éloquent, surtout lorsqu’on le compare à celui des dépenses sociales qui atteignent… 31,5% du PIB (OCDE, 2016). Le choix politique de l’État-providence s’est fait au détriment de notre sécurité. Ces trente dernières années l’Etat régalien est devenu squelettique alors que, l’Etat providence est devenu obèse.

Tant d’argent public dépensé pour la formation professionnelle avec des résultats quasi nuls. Tant d’argent public consacré à la politique de l’emploi, avec des effets sur le chômage inexistants. Tant d’argent public dépensé pour le logement, alors que des millions de Français ne parviennent toujours pas à trouver un toit décent ! Le courage conduirait à s’attaquer à ces dépenses inutiles. L’aveuglement et la pusillanimité conduisent pourtant à affaiblir toujours plus les ministères chargés de la protection du pays.

Laisser se paupériser les symboles de la République revient à fragiliser la République elle-même. L’État doit enfin renouer avec sa première raison d’être : protéger les Français. Pour cela, il faut le réarmer. Dans ma proposition de loi de Programmation et d’Orientation pour la Sécurité Intérieure et la Justice, déposée en début d’année, j’appelais à changer de méthode. La Nation doit, enfin, décider de regarder loin et programmer à un horizon de cinq à sept ans une remontée en puissance forte de ses outils de défense et de sécurité ! L’objectif serait d’atteindre, d’ici à 2025, 2% du PIB pour la défense nationale, 1% du PIB pour la sécurité et 0,50% pour la justice.

Cet effort aura un coût, mais il n’a pas de prix. Le prix c’est celui de notre liberté. L’urgence est là, sous nos yeux.