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« Pour la première fois depuis 2012, on va affaiblir nos dispositifs de protection »: Retrouvez mon interview à Nice-Matin

Le député niçois, spécialiste des questions de sécurité chez Les Républicains, défendra dans l’hémicycle une cinquantaine d’amendements et une contre-proposition de loi élaborée avec le député de l’Yonne Guillaume Larrivé. A ses yeux en effet, la fin de l’état d’urgence et les dispositions de substitution prévues par le gouvernement vont affaiblir notre protection contre le terrorisme.

 

Vous pensez que le gouvernement fait fausse route. Pour quelles raisons ?

Ce projet de loi va avoir deux conséquences majeures. Il acte la sortie de l’état d’urgence instauré le 13 novembre 2015 après l’attentat du Bataclan et il signifie que la France accepte la fin du contrôle aux frontières qui va s’interrompre le 13 novembre prochain. Dans les deux cas, on va affaiblir notre pays dans la guerre qu’il livre contre le terrorisme islamiste, alors que la menace reste maximale. Le ministre de l’Intérieur a lui-même rappelé que douze attentats ont été déjoués depuis le début de l’année et que 18500 personnes étaient désormais inscrites au fichier des signalés pour radicalisation terroriste, contre 14500 l’an dernier. Nous avons vu aussi les attentats se multiplier autour de nous, à Londres, Barcelone… Et c’est à ce moment-là, en profonde contradiction avec le discours qui est tenu, que le gouvernement choisit de sortir de l’état d’urgence. François Hollande voulait sortir de l’Etat d’urgence le 14 juillet 2016 et le soir même nous avons vécu la tragédie de Nice, qui l’a conduit à revoir sa décision. Pour ma part, j’estime que ce n’est pas le moment de baisser la garde.

 

Mais le but de la loi est justement d’y intégrer les principales dispositions de l’état d’urgence…

L’état d’urgence n’est pas la panacée, mais tant que la menace reste élevée, il apporte à l’autorité administrative et aux préfets des instruments qui nous permettent de mieux nous protéger. Je pense à la perquisition administrative – il y en a eu plus de 4000 depuis le début -, à l’assignation à résidence, aux contrôles d’identité, aux fouilles de véhicules, aux mesures d’interdiction de séjour. Or, ces outils vont soit disparaître, soit se trouver affaiblis. L’arrêt du contrôle aux frontières, du moins son allègement, est pour moi une inquiétude majeure. On a vu que des dizaines de terroristes étaient rentrés en Europe en profitant des flux migratoires, cela constitue donc une faute, c’est pour cela que ce texte me paraît dangereux. Et je conteste l’idée que l’on va pérenniser les mesures de l’état d’urgence, elles ne le seront absolument pas au même niveau. Le gouvernement est surtout dans la communication, les dispositifs seront beaucoup plus légers, vidés de leur sens et deviendront de ce fait inopérants.

 

Quelles sont les mesures qui vous chagrinent ?

La perquisition administrative, aujourd’hui décidée par le préfet, sera désormais décidée par le juge de la liberté et de la détention. En fait, ça va devenir une perquisition judiciaire qui existe déjà. Il n’y aura donc plus aucun intérêt à solliciter une perquisition administrative, dont le principal atout était la rapidité. L’assignation à résidence, qui jusqu’ici s’effectuait à domicile sur décision du préfet, sera désormais élargie au périmètre de toute une ville. Troisième exemple, les préfets ne pourront plus ordonner de fouilles de véhicules, idem pour les contrôles d’identité. La fermeture des lieux de culte sera également plus compliquée, les motifs étant plus restreints. Dans les nouveaux périmètres de sécurité qui vont se substituer à l’état d’urgence, les personnes pourront uniquement être fouillées avec leur consentement. On imagine bien demander à un terroriste son accord pour être fouillé… Si on rentre dans le détail des mesures, on est donc très loin de pérenniser l’état d’urgence, c’est une illusion.

 

Quels sont donc les amendements que vous allez proposer ?

Je reproche au projet de loi de ne pas anticiper la menace. J’aurais souhaité qu’on aille vers une grande loi de programmation pour la sécurité et la justice, qui nous donne une perspective sur plusieurs années, avec la volonté de réarmer l’Etat. Au cours des cinquante dernières années, l’Etat régalien a été affaibli, l’effort consacré à la sécurité et à la justice divisé par deux. Il n’y a notamment rien dans le projet de loi sur un sujet majeur, la radicalisation en prison. On n’y parle pas non plus de la radicalisation sur Internet. En résumé, on n’utilise pas les outils pertinents pour gagner la guerre. Au nom des Républicains, nous allons faire au contraire des propositions fortes: la rétention administrative préventive pour ceux contre lesquels on n’a pas de preuves judiciaires pour les placer en détention, mais dont on sait qu’ils sont extrêmement dangereux. C’est une procédure qui est appliquée pour les malades psychiatriques et qui a été validée par le Conseil constitutionnel. Ce n’est pas une peine mais la prévention d’une menace. Nous proposons aussi la rétention de sûreté: comme les grands criminels sexuels, même après avoir purgé sa peine, quelqu’un qui a été condamné pour terrorisme, et qu’on estime toujours dangereux après une évaluation médicopsychologique, doit rester en prison. Nous demandons d’autre part l’expulsion de tous les étrangers fichés S considérés les plus dangereux, le croisement des fichiers qui n’est pas automatique aujourd’hui, ce qui est une aberration. Nous voulons, enfin, aller plus loin sur la fermeture des lieux de culte radicalisés et l’isolement des détenus. J’aborde ce texte avec un esprit de responsabilité. J’en ai voté treize sur le terrorisme durant le précédent quinquennat parce qu’ils élevaient notre degré de protection, même s’ils restaient imparfaits. Là, j’insiste sur le fait que, pour la première fois depuis 2012, on va affaiblir nos dispositifs de protection.

 

Propos recueillis par Thierry Prudhon.