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Ma lettre ouverte au Président de la République

Monsieur le président de la République, décliner votre invitation à une énième opération de communication n’est pas une « faute politique majeure ». Pas plus qu’il n’est « indigne » de s’interroger sur votre non-participation à une marche contre l’antisémitisme.

Ce qui est indigne, c’est de ne pas écouter la voix du peuple qui, face à tant de défis quotidiens et devant le déclin continu de son pays, en appelle à l’action, à la fermeté et au sursaut.

Ce qui est indigne, c’est de recevoir, en amont de la marche du 12 novembre, M. Belattar – égérie du CCIF fier de n’être ni Charlie ni Nice – pour l’interroger sur les répercussions dans les quartiers de votre éventuelle participation à ce qui aurait dû être un moment d’unité nationale.

Ce qui est indigne, ce n’est pas de refuser votre convocation mais de refuser l’appel inédit des présidents des deux chambres. Ce qui est indigne ce n’est pas de s’absenter de Saint-Denis par lassitude de trop de communication impuissante mais de s’absenter d’une marche républicaine pour ne pas blesser les sentiments de quartiers gangrénés par l’islamisme et l’antisémitisme.

Personne ne saurait remettre en cause la liberté qui était la vôtre dans le choix que vous avez fait. Mais permettez-nous d’en interroger les motifs que vous avez voulu invoquer pour justifier cette absence. Vous déclarez devoir œuvrer à l’unité du pays. Mais avec qui souhaitez-vous préserver cette unité si celle-ci doit être garantie par votre absence à une marche contre l’antisémitisme ?

Votre décision n’est pas anodine. Elle nous confirme que vous n’avez pas su tirer les leçons des nuits de guérilla qui ont ravagé le pays au début de l’été et qui ont démontré que des territoires entiers ont désormais fait sécession avec la République, avec ses lois comme avec ses valeurs.

À l’issue de ces émeutes qui ont sidéré les Français, quelle a été votre réponse ? De la com’.

Une « initiative politique d’ampleur » – selon vos termes – réunissant les chefs de parti à Saint-Denis pour de longues discussions. J’ai participé à cette première édition avec sincérité mais non sans scepticisme.

Que pouvions-nous en effet attendre de cette démarche ? En réponse aux Gilets jaunes, vous aviez inventé le grand débat. Il n’a débouché sur rien. En réponse au rendez-vous manqué des élections présidentielle et législative, vous aviez inventé le Conseil National de la Refondation, pastiche déplacé du cercle héroïque de la Résistance. Il n’a débouché sur rien. En réponse à la mobilisation contre la réforme des retraites, vous avez réinventé les cent jours. Ils n’ont débouché sur rien.

Les Français sont lassés de ces campagnes de communication destinées à occuper les commentateurs et vos conseillers sans rien changer, ni aux difficultés de leur quotidien ni aux destinées de la Nation.

Pour ma part, après avoir accordé le bénéfice du doute à votre initiative, je refuse d’être la caution d’une nouvelle séquence de narration qui n’aboutira à rien. Je vous l’avais exposé clairement dans ma lettre du 10 septembre.

Vous êtes le président de la République française et vous devez en respecter les institutions. En démultipliant les initiatives extérieures au champ institutionnel, vous participez à les affaiblir et à nourrir la crise de notre démocratie.

Votre rôle n’est pas d’inventer chaque année de nouveaux comités ad hoc sans passé ni avenir mais de gouverner dans l’intérêt des Français et dans le cadre de nos institutions.

Avec la constitution de 1958, le Général de Gaulle a voulu nous prémunir de l’impuissance et la Cinquième République vous accorde d’ailleurs les plus larges prérogatives dont un chef d’État européen puisse disposer : faîtes-en usage.

La discussion n’a pas non plus à se dérouler à huis clos entre chefs de partis. Elle doit être publique, soit au Parlement, où le peuple délègue ses représentants, soit directement avec le peuple lui-même par référendum.

Prenez l’initiative de permettre la révision constitutionnelle que nous demandons depuis plusieurs mois, en appelant votre majorité à soutenir notre proposition de révision, le 7 décembre prochain à l’Assemblée. Au regard de la gravité de l’état du pays, il vous appartient de redonner la parole au peuple pour sortir de cette crise.

Cessez de faire de la communication : passez à l’action !

À ne jamais sortir de cette obsession du palabre sans lendemain, vous condamneriez votre présidence à ne rester dans les livres d’histoire que comme une décennie perdue.