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« L’heure de la clarification est venue » : Retrouvez mon interview à Nice-Matin

NICE-MATIN – Chez Les Républicains, le député de Nice incarne la ligne résolument à droite, sans pont vers le gouvernement. Ce qui l’éloigne de Christian Estrosi, avec lequel il acte sa rupture.

 

Vous souhaitez incarner une opposition sans concession. Est-ce tenable face à un Premier ministre venu de votre famille ?

Je souhaite être fidèle au mandat que m’ont confié mes électeurs. Ceux qui ont voulu soutenir le gouvernement sans réserve ont voté pour ma concurrente « En Marche !», et je les respecte. Ceux qui ont voté pour moi ont voté pour une opposition, non pas sans concession, mais responsable et lucide. A ce stade, je ne signe pas de chèque en blanc au gouvernement. Quant au Premier ministre, s’il a débuté son parcours chez les rocardiens, il est effectivement issu de notre famille politique. Sa nomination avait un seul but : faire éclater la droite. Le résultat n’est que partiel. Nous avons certes subi une lourde défaite, mais Les Républicains sont toujours vivants. Ces ralliements offrent une piètre image de la vie politique. Ils se sont faits pour des postes, et non pas pour des projets ou des convictions.

 

Pour vous, les «constructifs » ne sont donc que des opportunistes ?

Ce sont des élus qui n’ont pas eu d’adversaire «En marche !» face à eux. Ils ne sont pas libres mais dépendants du pouvoir qui les a pour la plupart sauvés. Je déplore cette confusion. Je ne pense pas que l’on puisse appartenir à deux formations politiques en même temps. Donc oui, ces députés sont dans cette fonction sur commande, pour payer l’addition du service qu’on leur a rendu en protégeant le mandat qu’ils n’auraient, pour la plupart, pas conservé s’ils avaient eu face à eux un candidat «REM ».

 

Les ministères économiques ont été confiés à des membres de LR. Ils vont, a priori, mener une politique qui vous conviendra…

Nous verrons à l’œuvre. Bruno Le Maire, dans son programme de la primaire, avait une mesure phare qui était la baisse de la CSG. Il va être le ministre de l’Économie qui aura la responsabilité de l’augmenter, ce qui pénalisera 18 millions de Français. Je crains que ces ministres ne soient plutôt les instruments d’une stratégie de communication qui va dissimuler l’absence de vraies réformes et la poursuite du matraquage fiscal.

 

Un nouveau bureau politique de LR est prévu le 11 juillet. L’éclatement pourra-t-il être évité ?

La lourde défaite que nous avons subie est bien sûr la conséquence directe de l’élimination de notre candidat au premier tour de la présidentielle. Mais elle a été amplifiée par ceux qui ont décidé de renier leurs valeurs et de trahir leur famille politique pour des places. Je dis à ceux-là qu’ils doivent prendre leurs responsabilités. On ne peut pas être dehors et dedans. L’heure de la clarification est venue. Notre parti doit adopter une ligne claire qui tourne le dos à la confusion et aux compromissions, autour de valeurs de droite résumées en trois mots: la France, la liberté, l’autorité. A partir de là, il appartient à chacun d’assumer ses choix. On ne pourra incarner une force d’alternance et d’espérance pour notre pays que si nous savons être clairs. Je ne vois pas quel serait l’avenir de notre famille si elle était réduite à soutenir aveuglément le pouvoir en place qui nous a combattus aux législatives.

 

La clarté, n’est-ce pas finalement de revenir à deux partis, comme au temps de l’UDF et du RPR ?

Moi, j’ai adhéré à 16 ans au RPR de Jacques Chirac qui reste un modèle. Nicolas Sarkozy avait réussi, en 2007, l’exploit de rassembler toute la droite autour d’un grand parti populaire, en faisant quasiment disparaître le Front national. C’est sans doute ce qu’il faut faire. Mais il faut surtout un parti plus cohérent idéologiquement. Il y a toujours eu des différences, mais on avait des chefs qui effaçaient ces différences et fédéraient les contraires. Aujourd’hui, on n’a plus de chef et il ne reste trop souvent que les différences et les petites ambitions personnelles. La solution est de rebâtir une formation qui ressemble au RPR, plus populaire et clairement à droite, sans être perturbée par des positions qui relèvent plus du centre gauche et de la pensée unique que de la droite.

 

Qui voyez-vous comme chef ? Pourriez-vous être candidat à la présidence des Républicains ?

Nos statuts prévoient l’élection d’un nouveau président. Elle doit avoir lieu le plus vite possible, dès l’automne. Ma volonté est de participer à la reconstruction d’une grande famille politique de droite. Nous verrons bien qui peut incarner cette espérance.

 

Christian Estrosi n’aime pas que l’on évoque le mot de «guerre » entre vous. Comment qualifieriez-vous vos relations actuelles ?

 Je n’ai jamais abordé nos liens. Mais les attaques récentes et publiques m’y obligent, même si je le regrette profondément. Ma relation avec Christian Estrosi date de 1988. Je l’ai rencontré alors que je venais d’être diplômé de Sciences Po Paris et que je préparais l’ENA, après avoir auparavant obtenu une licence de sciences économiques à Nice. J’ai engagé avec lui un parcours professionnel et partagé une amitié pendant vingt-cinq ans. Nous avons tout partagé: les succès, les épreuves. Christian Estrosi me présente souvent comme étant uniquement sa créature. C’est à la fois blessant et réducteur I Il m’a permis, à des étapes clés de ma vie politique, d’obtenir des succès et je lui en ai été reconnaissant. Mais il est tout aussi vrai qu’il n’aurait jamais fait la même carrière politique si je n’avais pas été à ses côtés. Christian Estrosi sait quand, comment et pourquoi. Nous avons avancé ensemble.

 

Vous avez le sentiment qu’il vous a mis des bâtons dans les roues lors des législatives ?

Christian Estrosi ne m’a pas soutenu et je crois même pouvoir dire qu’il a, en sous-main, soutenu mon adversaire. Beaucoup de ses amis ont été mobilisés pour cela. J’ai notamment vécu comme une trahison la venue à Nice, à sa demande, de Gérald Darmanin pour soutenir madame Caroline Reverso-Meinietti. Aujourd’hui, de par ce comportement, une page est tournée. Je dois mon élection de 2007 à Christian Estrosi et à Nicolas Sarkozy. Mon élection de 2017, je ne la dois qu’à la fidélité de mes électeurs. Une autre séquence s’ouvre dans nos relations. Christian Estrosi a mal vécu qu’il y ait une seconde voix qui s’exprime depuis Nice et qui soit reconnue au plan national. Je le regrette, mais je n’accepterai jamais d’être dans une relation de soumission avec lui, ni de m’aligner systématiquement sur ses positions changeantes.

 

La fracture entre vous est-elle seulement idéologique ? On a l’impression d’assister d’abord à un choc d’ambitions…

Il y a eu une fracture personnelle, je ne la nie pas et cela m’a profondément affecté, mais elle se double aujourd’hui d’une fracture idéologique très forte. Christian Estrosi a changé brutalement de positions. Il était connu pour des positions clairement à droite, que j’ai partagées avec lui pendant des années. Il est passé désormais à un positionnement de centre gauche. Je respecte son choix. Mais ma ligne personnelle est la fidélité à mes idées. J’ai dit en lançant ma campagne sur le port de Nice que je préférais perdre avec mes idées que gagner avec celles des autres. Aujourd’hui, nous avons des approches très différentes. Je crois à la possibilité de reconstruire une droite forte et claire, qui a vocation à redonner espoir à des millions d’électeurs qui nous ont quittés, notamment vers le FN. Et je récuse tout procès en collusion. J’ai toujours combattu le Front national et je ne m’allierai jamais avec lui. Mais je considère qu’insulter [es électeurs du FN est une faute. Ceux qui votent Front national le font souvent parce qu’ils sont dans la détresse sociale, la peur sécuritaire et l’inquiétude identitaire. Et nous ne réglerons pas leurs problèmes avec des slogans comparables à ceux de SOS Racisme. Nous le ferons en apportant des solutions. C’est ce à quoi je travaille dans ma circonscription où le FN a réalisé ses plus faibles scores ou au conseil départemental où ne siège aucun élu FN. Quand la droite est elle-même et ne s’excuse pas d’être à droite, les électeurs s’y retrouvent.

 

La mairie de Nice constitue-t-elle un objectif pour vous en 2020 ?

Des milliers de Niçois m’en ont parlé durant la campagne législative. Mais ce débat n’est pas d’actualité. Je veux servir ma ville à l’Assemblée nationale et au Département. J’ai bâti depuis des années une relation très forte avec beaucoup de Niçois et cette relation, je veux la consolider.

 

Christian Estrosi préside la fédération LR 06 dont vous êtes le secrétaire départemental. La situation est-elle tenable ?

Christian Estrosi est aujourd’hui président de notre fédération, mais je crois qu’une majorité de nos militants ne se retrouvent plus dans ses positions. Cela a d’ailleurs été la source de certains comportements que je déplore et que j’ai condamnés dans des meetings où il a subi l’incompréhension et la colère des militants. Je pense qu’il faut une clarification. Si Christian Estrosi veut rester président de cette fédération, je crois nécessaire qu’il remette son mandat en jeu devant les adhérents pour vérifier qu’il dispose toujours d’une indispensable légitimité.

 

Vous seriez candidat face à lui ?

Pour l’heure, ce n’est pas le débat. Frappé par le cumul des mandats, vous allez quitter la présidence du Département. Qui vous succédera ? J’ai un mois pour quitter la présidence du Département. Je réunirai ma majorité pour choisir mon successeur avec elle.

 

Propos recueillis par Thierry Prudhon