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Le JDD – Eric Ciotti : « Face au terrorisme, ce n’est pas le moment de baisser la garde »

Le JDD – Le député des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, critique la sortie programmée de l’état d’urgence – « un risque majeur » – et les coupes dans les budgets des ministères régaliens – « une faute ».

Des militaires de l’opération Sentinelle ont été à nouveau attaqués, mercredi à Levallois. Faut-il remettre en cause ce dispositif ?

Cette attaque nous rappelle que la menace terroriste reste maximale. Ce n’est donc pas le moment de baisser la garde. Les militaires de Sentinelle comme les policiers ont été, à plusieurs reprises, pris pour cible et je veux leur rendre hommage. Leur travail est utile et important. Les premiers sont aujourd’hui 7500 mobilisés contre 10.000 il y a quelques semaines. Or, un plan encore confidentiel est en cours de discussion au ministère des Armées pour réduire ce nombre à 5000 après l’été. Dans ce contexte, sortir de l’état d’urgence en novembre est irresponsable et présente un risque majeur. Cela participe de la même logique que la baisse des budgets des ministères régaliens, qui seront amputés d’1,5 milliard d’euros de crédits en 2017. Ces décisions ne sont pas seulement des erreurs politiques mais bien des fautes qu’il faut dénoncer.

Concernant le ministère de l’Intérieur, Gérard Collomb affirme pourtant que, malgré les restrictions, nous sommes pour 2017 « au plus haut niveau historique des crédits pour ce ministère. »

La réalité, c’est que 111 millions d’euros de crédits ont été supprimés par décret pour la gendarmerie et 133 millions pour la police, et ce au profit de la mission asile. La réalité, c’est qu’aujourd’hui 3800 véhicules de la gendarmerie ont plus de 300.000 kilomètres au compteur, et que 100 millions d’euros de dépenses qui devaient être réglées en 2017 par la gendarmerie ont été reportées en 2018. Ce sont notamment 45 millions d’euros de loyer qui ne vont pas être payés cette année par la gendarmerie nationale.

Le gouvernement s’est engagé à recruter 10.000 postes supplémentaires de policiers et gendarmes sur le quinquennat…

Nous verrons. Je crains que ce gouvernement utilise les mêmes subterfuges que son prédécesseur : beaucoup d’effets d’annonce et in fine des recrutements beaucoup plus faibles que promis.

Que pensez-vous du projet du gouvernement de créer une « police de sécurité du quotidien ?

Ce gouvernement revient à la fable de la police de proximité, qui a été un échec cuisant entre 1997 et 2002 avec la plus forte augmentation de la délinquance de ces 30 dernières années. La priorité opérationnelle pour les policiers doit rester l’investigation et le renseignement. Je suis par ailleurs assez inquiet de l’approche de la Garde des sceaux, qui semble ne pas vouloir donner suite aux déclarations de campagne d’Emmanuel Macron annonçant l’abrogation des lois Taubira.

Le gouvernement veut mieux distinguer entre réfugiés et migrants économiques, pour reconduire plus rapidement les seconds à la frontière. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Bien sûr qu’il faut distinguer entre migrants économiques et vrais réfugiés. Mais depuis trois mois, Emmanuel Macron a en réalité très peu agi sur les questions de sécurité comme d’immigration. Il donne le sentiment d’une improvisation permanente, et d’une totale continuité avec la politique socialiste : on ouvre de nouveaux sites à Calais –erreur tragique-, on n’agit pas à la source de l’immigration et le gouvernement n’exprime aucune volonté d’éloigner les clandestins. Je note aussi une extraordinaire contradiction : alors que le président de la République avait annoncé l’ouverture de hotspots en Libye, ce qui allait dans le bon sens, Gérard Collomb a indiqué dans vos colonnes que cela ne verrait jamais le jour. On comprend surtout qu’il n’y a pas de mesures réellement préparées et susceptibles d’être mises en oeuvre rapidement.

Quel bilan tirez-vous des 100 premiers jours d’Emmanuel Macron au pouvoir ?

Après les illusions de la campagne, le choc avec le mur de la réalité est assez violent !Le bilan est en effet extrêmement léger : 100 jours de communication outrancière, et très peu de mesures concrètes. En 2007, lors des 100 premiers jours de Nicolas Sarkozy, avaient été votées des mesures fiscales majeures, la loi sur les peines plancher, celle sur l’autonomie des universités et celle sur le service minimum en cas de grève. Quel est le bilan du nouveau président de la République à ce jour ? Une loi de populisme antiparlementaire qui a pris pour cible de façon démagogique députés et sénateurs. Sur le régalien, la stricte continuité avec le quinquennat de François Hollande. Et rien pour mieux protéger les Français face au terrorisme, aucune mesure de baisse de la fiscalité et des charges, et enfin y ne réforme du code du travail qui est renvoyée à la rentrée avec un contenu qui reste incertain.

Le Premier ministre Edouard Philippe promet de « tailler dans les impôts »…

Ce qui est sûr, c’est qu’il y aura une augmentation massive de la CSG, de 1,7 point, et qu’elle ne sera pas compensée  pour 8 millions de retraités. Les 5,5 millions de fonctionnaires verront aussi leur pouvoir d’achat fortement amputé par cette hausse de la CSG. Je pose donc la question : le gouvernement va-t-il la compenser pour les fonctionnaires ? S’il la compense, c’est tout son équilibre budgétaire qui sera remis en cause. C’est une question à plusieurs milliards d’euros que se gardent bien d’aborder Edouard Philippe et Gérald Darmanin, mais les fonctionnaires ont droit à la vérité.

N’accordez-vous pas quelques bons points à l’exécutif ?

Emmanuel Macron et ceux qui l’entourent ont raté le début de ce quinquennat. La campagne électorale avait bâti l’image d’un président ouvert et rassembleur. On le découvre manipulateur et clanique. Le Premier ministre a quasiment disparu. Les ministres, à une ou deux exceptions près dont Jean-Michel Blanquer, sont  extrêmement faibles. Les élus locaux considérés comme une variable d’ajustement financier. Le Parlement est méprisé comme jamais… Avec Emmanuel Macron, nous sommes en marche vers une forme de pouvoir personnel totalement concentré entre les mains d’un seul homme, qui confond institutions et communication. J’ai été très choqué après la démission du général de Villiers de voir Emmanuel Macron revêtir l’uniforme d’aviateur. Cela relevait d’une forme de provocation indécente.

La droite fera cette année une rentrée en ordre dispersé. Les Républicains sont-ils en train d’exploser ?

Je suis au contraire résolument optimiste sur l’avenir de notre famille politique. Nous avons failli disparaître, mais aujourd’hui plus que jamais les Républicains constituent une force, avec 100 députés libres et indépendants. Après l’élection de notre président en décembre, l’opposition sera à nouveau incarnée par un visage. Je souhaite que ce nouveau président soit Laurent Wauquiez et je le soutiendrai de toutes mes forces. Je sais qu’il aura la volonté de rassembler, de renouveler et surtout de proposer un projet politique cohérent et courageux, autour des valeurs d’une droite qui enfin s’assume et n’a plus honte d’être elle-même. L’eau tiède nous a trop longtemps conduits à la défaite.