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Intervention d’Eric CIOTTI pour présenter la PPL de lutte contre les bandes violentes

Madame la ministre d’État, permettez-moi d’abord de vous présenter, au nom de l’ensemble de la représentation nationale qui siège dans cet hémicycle, nos plus sincères félicitations pour votre nomination en qualité de garde des sceaux.

Je tiens également, dans le cadre de cette situation inédite qui m’amène à rapporter ce texte à la place de Christian Estrosi, à lui adresser également nos sincères félicitations pour sa nomination. Il était le rapporteur de cette proposition de loi, qu’il avait initiée et déposée avec plusieurs de nos collègues.

Monsieur le président, mes chers collègues, depuis sept ans, grâce à la détermination sans faille de Nicolas Sarkozy (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC) et à une lutte acharnée contre la délinquance, notre pays a enregistré de bons résultats en matière de lutte contre la délinquance, avec, notamment, une baisse des faits constatés de 15 % sur la période et un taux d’élucidation passé de 26 à 39 %.

Malgré ces résultats, notre pays est aujourd’hui confronté à l’augmentation des affrontements entre bandes, des actes de haine dirigés contre les représentants de l’autorité républicaine et des institutions de la République, des intrusions au sein d’établissements scolaires avec des armes, des guets-apens tendus aux forces de l’ordre, des violences commises contre les agents du service public. Ces actes intolérables sont autant de défis lancés à notre cohésion républicaine, que cette proposition de loi suggère de relever avec détermination.

Au mois d’avril dernier, le Président de la République a souhaité confier à la représentation nationale l’élaboration d’une proposition de loi visant à lutter contre les violences de groupes et à sanctuariser les établissements scolaires. C’est tout à l’honneur de notre assemblée d’avoir élaboré ce texte, qui a pour vocation d’être ferme avec les délinquants et juste avec les victimes.

Ce texte comprend deux volets : d’une part, la lutte contre les violences de groupes ; d’autre part, la sanctuarisation des établissements scolaires.

S’agissant d’abord de la lutte contre les violences de groupes, il ressort des nombreuses auditions auxquelles la commission des lois a procédé que de grands progrès en matière de lutte contre la délinquance ont été accomplis : instauration des peines planchers, développement de la vidéoprotection, instauration des GIR – les groupes d’intervention régionaux. Toutefois, notre arsenal législatif reste très largement insuffisant pour lutter contre les phénomènes de bande, et ce pour deux raisons principales.

Tout d’abord, l’infraction d’association de malfaiteurs ne vise que la préparation de délits punis d’au moins cinq d’emprisonnement. Cette infraction ne s’applique donc pas aux actes commis par les bandes, qui sont majoritairement des violences volontaires commises en réunion qui causent une interruption temporaire de travail de moins de huit jours et ne sont donc punies que de trois ans d’emprisonnement.

Ensuite, la qualification pénale des faits est souvent complexe : en application du principe fondamental de la responsabilité pénale individuelle, il convient d’établir pour un même délit la responsabilité de chaque individu auteur, coauteur ou complice.

Aussi, l’article 1er de la proposition de loi propose de créer une infraction nouvelle réprimant spécifiquement la participation en connaissance de cause à une bande ayant l’intention de commettre des violences ou des atteintes aux biens de manière concertée. Cette disposition ne constitue pas une réécriture de l’incrimination de groupe, de la trop célèbre loi anti-casseurs, abrogée en 1981, et qui présenterait, nous le savons, de gros risques constitutionnels. Il s’agit d’un instrument efficace pour engager des poursuites contre les auteurs, sans pour autant avoir à distinguer l’auteur du coauteur ou bien le coauteur du complice.

Par ailleurs, il est important de signaler que la visée de cet article est avant tout préventive : la disposition s’appliquera en amont de la commission des faits de violence ou de dégradation. Une fois le drame survenu, il est malheureusement trop tard pour agir.

En complément du décret pris samedi dernier par Mme la ministre de l’intérieur, qui interdit le port de la cagoule dans les manifestations, l’article 3 de notre texte vise à instaurer une circonstance aggravante lorsque l’auteur de certaines violences sur des personnes ou de dégradations de biens dissimule volontairement tout ou partie de son visage afin de ne pas être identifié. En effet, la dissimulation complique fortement le travail des enquêteurs, qui doivent identifier les auteurs des faits afin de les poursuivre. En outre, la dissimulation du visage contribue à impressionner les victimes et peut aggraver leur traumatisme.

Par ailleurs, l’article 4 de la proposition de loi prévoit que les enregistrements audiovisuels ou sonores des arrestations pourront être versés à la procédure afin d’éviter toute contestation.

Le deuxième pilier de ce texte concerne la sanctuarisation des établissements scolaires. Nous avons tous à l’esprit le drame survenu à Gagny ou les événements particulièrement choquants et inadmissibles qui se sont produits dans certains établissements scolaires et dont les enseignants, le personnel éducatif ou les élèves ont été victimes.

Ces actes intolérables ne peuvent ni ne doivent être tolérés dans la République.

S’agissant de la violence scolaire, il ne fait aucun doute que l’école doit être un sanctuaire de la République.

Aussi, l’article 5 de la proposition de loi procède-t-il à la réécriture de la disposition qui prévoit, d’ores et déjà, l’aggravation des peines encourues par les auteurs de violences commises sur les personnes chargées d’une mission de service public en raison de leurs fonctions, pour viser expressément les enseignants et les personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, au même titre que les agents des entreprises de transports publics, déjà visés.

Par ailleurs, le texte propose d’aggraver l’incrimination des vols et extorsions commis dans les écoles ou à proximité, comme c’est déjà le cas pour les violences volontaires.

Nous proposons également – c’est un point essentiel du texte – de correctionnaliser l’intrusion dans les établissements scolaires. Désormais, entrer dans une école sans y être autorisé constituera un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’un an et de 7 500 euros d’amende, s’il est commis par une personne avec une intention délictueuse. Le délit sera aggravé s’il est commis en bande ou par une personne porteuse d’une arme. Cette correctionnalisation a, en outre, l’intérêt de permettre de mettre en garde à vue le ou les délinquants.

Pour compléter ces dispositions et afin de lutter contre la prolifération des armes dans les établissements scolaires, la commission des lois a introduit un article additionnel tendant à punir toute intrusion d’une personne non autorisée dans un établissement. Il ne vise pas, par définition, les élèves inscrits régulièrement dans l’établissement concerné.

Devant la multiplication des cas d’élèves apportant des armes dans leur établissement, les commissaires aux lois ont souhaité que soit instaurée une infraction spécifique d’introduction d’une arme dans un établissement scolaire.

Ces mesures importantes sont assurément complémentaires de la politique de prévention de la délinquance dont notre pays s’est doté avec la loi du 5 mars 2007 et dont il apparaît désormais clairement qu’elle est trop peu appliquée sur le terrain.

Enfin, les dispositions relatives à l’absentéisme scolaire sont également peu appliquées alors même que le décrochage scolaire constitue très souvent et trop souvent le premier clignotant vers la délinquance.

Conscient de ces difficultés, le Président de la République a annoncé, pour septembre prochain, un plan de prévention de la délinquance qui répondra à ces difficultés et, j’en suis certain, constituera le pendant de cette proposition de loi sur le plan préventif.

Ces deux actions successives confirment que l’action du Gouvernement et de sa majorité est équilibrée et que la répression ne va pas sans la prévention. Une politique de prévention sans répression serait vouée à l’échec, une politique de répression sans prévention serait une hérésie.

Pour conclure, les crimes ou les délits ne sont pas plus excusables parce qu’ils sont commis en bande. La mort d’un jeune ne doit, ne peut pas être le résultat de guerres stupides de territoires. Je crois que nous pouvons tous nous retrouver sur ces points. Le seul territoire que je connaisse, c’est celui de la République. Ce territoire, c’est celui de la France et des Français. La République, c’est la garantie de notre État de droit, sur laquelle nous ne devons jamais transiger. Il n’est pas question de céder des territoires de la République à ceux qui voudraient les ériger en lieux de non-droit.

Il nous faut donc ensemble adresser un message clair et, je l’espère, unanime, compte tenu de l’importance de l’enjeu. C’est tout l’objectif de cette proposition de loi, qui, je l’espère, sera approuvée sur tous les bancs de notre assemblée.