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Eric Ciotti : « Nous sommes en retard d’une guerre »

Au lendemain de l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier, Eric Ciotti, qui a présidé la commission d’enquête sur les filières djihadistes, répond aux questions du Journal Du Dimanche.

Après l’attentat de Saint-Quentin-Fallavier, le gouvernement a placé la région Rhône-Alpes en vigilance maximale et renforcé la surveillance des sites sensibles. Ces mesures vous paraissent-elles adaptées à la menace ?

C’est une réponse qui est plus psychologique que pragmatique. Il faut avoir la franchise de dire qu’on ne pourra pas surveiller tous les sites de France qui pourraient faire l’objet d’une menace, car il faudrait pour cela mobiliser des centaines de milliers d’hommes. Ces mesures participent d’une stratégie de communication visant à rassurer, mais on est assez éloigné de l’efficacité. L’urgence, ce n’est pas de déployer des milliers de soldats sur le territoire. L’urgence, c’est de faire monter en puissance nos services de renseignement. Ce qui est efficace en matière de prévention du terrorisme, c’est la détection de ceux qui représentent une menace, leur surveillance rapprochée et la capacité à les empêcher de passer à l’acte. Or, c’est là que nous avons un déficit cruel de moyens. Nous sommes en retard d’une guerre.

Pourtant depuis 2012, ont été votées deux lois antiterroristes et une loi sur le renseignement…

Oui, et j’ai voté ces trois lois car elles vont dans le bon sens. Mais nous avons perdu beaucoup de temps et j’ai l’impression que le gouvernement s’inscrit à chaque fois en réaction face aux événements tragiques. Depuis plusieurs mois, je réclame au nom du groupe Les Républicains une grande loi-cadre contre le terrorisme, qui définisse une vraie stratégie avec des moyens, budgétaires et humains. Là, nous sommes dans une réponse qui relève plus de la communication que de l’action.

Quelle est la priorité selon vous ?

Depuis le 1er janvier 2014, le nombre de Français engagés dans une filière djihadiste est passé de 600 à 1800. Mais les moyens pour y faire face, eux, n’ont pas été multipliés par trois. Aujourd’hui, il faut mesurer que nous sommes en guerre et que cela nécessite des moyens d’une autre ampleur. Je regrette que le gouvernement n’ait pas de stratégie globale de lutte contre le terrorisme, aussi bien sur le territoire national qu’à l’extérieur. Car cette guerre, nous ne la gagnerons que si la communauté internationale parvient à éradiquer Daech. Là aussi, nous devons changer complètement de stratégie : il faut s’allier à ceux qui combattent Daech et rejeter ceux qui en sont complices. La France fait l’inverse, en isolant la Russie et en ayant des relations ambigües avec des pays qui soutiennent ou ont soutenu Daech.