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Éric Ciotti : « Ne soyons pas naïfs face au terrorisme »

LE FIGARO. – L’Assemblée s’apprête-t-elle à voter une loi liberticide ? Éric CIOTTI. – Le mot «liberticide» est très largement excessif. Je ne vois rien dans cette loi qui puisse porter atteinte à nos libertés fondamentales. Bien au contraire, elle met en place des procédures de contrôle systématiques et une traçabilité de toutes les interceptions. Je peux comprendre l’inquiétude de certains. En revanche, je veux dénoncer la mauvaise foi de beaucoup qui, sans connaître le contenu du texte, font des procès d’intention à nos services de renseignement. Pourtant, des voix s’élèvent aussi bien à gauche qu’à droite contre cette loi. On y retrouve tous ceux qui sont habituellement hostiles à toute notion de sécurité et les défenseurs sympathiques mais naïfs d’une liberté totale sur Internet. J’avoue moins comprendre certains responsables politiques, très minoritaires, qui ont exercé de hautes responsabilités dans l’appareil d’État et qui font aujourd’hui semblant de nier la menace à laquelle est confronté notre pays. Ne soyons pas naïfs face au terrorisme. La menace djihadiste pèse-t-elle toujours autant ? En tant que président de la commission d’enquête sur les filières djihadistes, je trouve irresponsable de s’opposer à ce texte. Notre devoir est de faire face avec des outils plus performants et plus adaptés à la menace terroriste. Ne la sous-estimons pas. Nous avons récemment vu qu’elle était toujours aussi présente et que malheureusement, nous pouvons redouter que le pire ne soit devant nous. Mais n’est-ce pas un risque de faire passer le renseignement de la sphère judiciaire à la sphère administrative ? Jusqu’à aujourd’hui, une partie du renseignement évoluait sans cadre juridique. C’était un risque pour ses agents, qui font un travail remarquable, trop souvent méconnu et décrié, mais également un risque pour les libertés publiques. Désormais, la traçabilité est acquise. Mais ne confondons pas les procédures administratives et judiciaires. Les premières visent à détecter la menace. Les secondes ont pour but de poursuivre ceux qui en sont les auteurs. Ce sont deux temps très distincts. Dans notre pays, il y a aujourd’hui environ 2000 personnes sous écoute administrative. Il y a en a 35000 dans le cadre de procédures judiciaires. Je ne suis pas certain que les procédures judiciaires soient plus protectrices des libertés. Quand je lis le compte rendu intégral de certaines écoutes dans la presse, je suis même sûr du contraire. Le consensus national est-il en train de se déliter ? S’il y a bien un sujet qui doit nous préserver le plus possible des clivages traditionnels, c’est bien la lutte contre le terrorisme. Il faut conserver cet esprit de responsabilité qui a toujours été celui de l’opposition. L’opposition de gauche au moment de l’affaire Merah n’avait pas adopté la même attitude. La France est sans doute l’une des premières cibles au monde aujourd’hui. Ce texte, nous aurions dû l’adopter il y a plus de trois ans. L’essentiel de son contenu avait été imaginé par le coordonnateur du renseignement du temps de Nicolas Sarkozy, Ange Mancini. La gauche nous avait refusé, après l’affaire Merah, ce consensus. Nous avons perdu trop de temps. Je regrette davantage ce que ce texte ne contient pas que ce qu’il contient. J’aurais préféré une grande loi-cadre avec des engagements clairs en termes de budget et d’effectifs. ]]>