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Eric Ciotti : « Il n’y a pas ceux qui ont du cœur et les autres »

NICE-MATIN Comme tout le monde, la photo du petit Aylan l’a évidemment bouleversé. Pour autant, Eric Ciotti ne change pas son fusil d’épaule. Pour lui, en matière d’immigration comme de lutte contre le terrorisme, seule la fermeté sera payante. Le président des Alpes-Maritimes, droit dans ses bottes, campe sur ses convictions d’autorité, sa colonne vertébrale politique.

Le grand rendez-vous de cet automne, ce sont les régionales. Des regrets de ne pas conduire la liste des Républicains ?

ERIC CIOTTI – Je serai de ce combat. Je participerai à la campagne de Christian Estrosi, en présidant notamment le comité des présidents des conseils départementaux. J’aurai donc un rôle actif et pas seulement dans les Alpes-Maritimes. J’ai été le premier à appeler à la candidature de Christian Estrosi. Les choses sont en place, il mène une bonne campagne et je serai de toutes mes forces à ses côtés.

Que vous inspire le ralliement d’Olivier Bettati à la liste FN ?

Quels que soient les candidats du Front national, les électeurs qui votent FN le font en dehors des personnalités. J’ai un regard attristé et sévère sur ce ralliement qui ne peut être basé que sur des considérations opportunistes. Pour moi, la politique ce n’est pas ça, pas chercher des places, mais défendre des idées. Quand on a appartenu aussi longtemps à notre famille politique, on ne peut pas aller au FN.

Même si les départements demeurent, la montée en puissance des régions et des métropoles va les marginaliser. Comment voyez-vous leur avenir ?

La loi NOTRe est une calamité. On avait besoin de clarification, on a créé de la complexité. En région Île-de-France, par exemple, il y aura cinq échelons territoriaux. Plus personne n’y comprend rien, on est dans l’absurdité totale. Les départements, qui devaient disparaître, ont été maintenus. En dehors des transports qui seront transférés aux régions, ils vont rester dans une configuration proche de celle d’aujourd’hui, avec deux missions essentielles, la solidarité territoriale et la solidarité humaine. C’est une situation qui ne me satisfait pas, qui globalement affaiblit la représentation territoriale. On a abouti à une synthèse médiocre : les régions ne sont pas considérablement renforcées, les communes et départements affaiblis. Rien ne permettra d’avoir des collectivités plus fortes. Personne ne gagne, tout le monde perd.

Vos chantiers départementaux de cette rentrée ?

Avant le transfert des transports à la Région, je voudrais qu’on mette en place une ligne de cars à haut niveau de service pouvant emprunter la bande d’arrêt d’urgence entre Nice et Sophia. En matière d’éducation, on travaille sur le collège numérique et l’ouverture du Portail du savoir, banque de données alimentée par le conseil départemental, à tous les établissements. Côté social, on vise à favoriser le maintien à domicile grâce à des packs domotiques. En octobre, un numéro Vert entrera en service pour simplifier les démarches concernant les personnes âgées. Une autre priorité, j’y tiens, est le lancement du chantier d’un grand centre de formation des pompiers au Bec de l’Estéron, assorti d’un lieu d’apprentissage des gestes qui sauvent pour les élèves. Ce projet est bloqué depuis des années pour sauver treize plantes dont tout le monde se fout ! Avec la gendarmerie, je veux enfin installer des caméras de vidéosurveillance aux points stratégiques d’entrée des vallées.

Vous allez, je suppose, poursuivre votre politique de rigueur budgétaire ?

Oui, je veux continuer sur une politique de maîtrise des dépenses publiques, de baisse des effectifs et de désendettement. L’exercice 2015 conduira à un désendettement du Département, pour la première fois depuis plusieurs années.

Au sujet des migrants, vous restez sur vos positions très fermes ?

Le gouvernement et l’Europe ont un discours déséquilibré et de ce fait dangereux. On ne parle que d’ouverture de structures d’accueil, de répartition. Ce discours laisse entendre que l’Europe sera encore plus ouverte. Habillé des vertus de la générosité, il ne peut que nourrir des drames encore plus forts. Les chiffres sont terrifiants : 500 000 migrants arrivés en Europe depuis le début de l’année, plus de 2500 morts, quasiment aucune reconduite alors que les deux tiers des migrants ne sont pas des réfugiés. Il faut que l’Europe adopte une attitude de fermeté en empêchant les migrants de partir de Turquie ou des côtes africaines, qu’elle lance des actions militaires contre les passeurs sous mandat de l’ONU, qu’elle coupe les routes migratoires en exigeant une plus grande coopération des pays sources. L’Espagne et surtout l’Australie ont obtenu des résultats par des attitudes de fermeté mais aussi de coopération et de renvoi systématique dans des centres financés dans les pays de départ. Aujourd’hui, un migrant qui arrive en Europe sait qu’il va y rester. Faute de fermeté, on va voir les flux augmenter et les drames se multiplier. On mesure le grotesque de la situation chaque jour à Menton où nos policiers reconduisent en Italie des migrants qui reviennent dans l’heure qui suit. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont du cœur et les autres : c’est la fermeté qui sauvera des vies et la fausse générosité qui fera des victimes. En même temps, il faut offrir aux pays sources des moyens de développement. Mais dans l’immédiat, nous devons réintroduire un contrôle aux frontières. Aujourd’hui, la situation n’est plus sous contrôle, le gouvernement a perdu le cap.

Vous avez beaucoup travaillé sur le terrorisme. Huit mois après Charlie, quel bilan tirez-vous ?

Je crains que le pire soit devant nous. On est à la merci d’un attentat de grande ampleur. Ce qui me frappe, c’est que tous les auteurs d’attentat étaient repérés, identifiés, signalés par nos services de renseignement, qui sont performants. Mais cela souligne une faille dans la surveillance de ces individus. Nous sommes en retard d’une guerre. Il faut changer d’échelle : ouvrir des centres de rétention pour ceux qui rentrent du djihad, instaurer un contrôle permanent de ceux qui représentent une menace, fermer certains lieux de culte salafistes, expulser les étrangers condamnés pour participation à des actes terroristes.

Vos positions sont souvent proches de celles du Front national…

Ce discours de fermeté, je le tiens depuis plusieurs années, je n’ai pas attendu le Front national. Je dénonce au contraire les postures du FN qui s’est opposé à la loi sur le renseignement qui améliore nos moyens de contrôle et qui s’oppose au Parlement européen au fichier PNR qui doit renforcer les contrôles sur les billets d’avion. Le FN est dans un double discours.

Changeons de registre : les 35 h, l’âge de la retraite ?

Je préconise le courage. Les 35 h et la retraite à 60 ans ont été une calamité pour notre pays. Du fait de ces mesures, la France a vu sa compétitivité s’effondrer et ses déficits se creuser. Notre majorité n’est pas allée assez loin là-dessus. Il faut mettre un terme aux 35 h, revenir aux 39 h dans la fonction publique, favoriser la discussion par branches et passer la retraite à 65 ans, au minimum. Sinon, on ne pourra plus payer les retraites. Le seul moyen de sauver notre système de retraite par répartition est d’allonger la durée de cotisation. Au Département, je vais moi-même donner l’exemple pour faire bouger les lignes. J’autoriserai toutes les marges possibles pour que nos agents puissent travailler plus, notamment en réduisant les RTT pour heures supplémentaires.

La refonte du Code du travail ?

Le Code du travail est un frein au travail. Il était censé protéger les salariés, il ne fait que favoriser le chômage. L’enjeu est de donner du travail à tout le monde, or le Code du travail entrave le recrutement. Pompidou disait, et j’y souscris, « il faut arrêter d’emmerder les Français » et faire confiance aux chefs d’entreprise. Il faut pouvoir licencier quand il y a moins de travail, sinon on ne recrute pas quand il y en a plus. Libéral n’est pas un gros mot, la liberté favorise l’emploi.

La primaire de la droite viendra vite. Allez-vous maintenir votre soutien à François Fillon ?

Je pense d’abord que la primaire est plus que jamais indispensable, car elle est une garantie d’unité. Elle s’installe de façon sereine, harmonieuse. Je fais partie de l’équipe dirigeante des Républicains au côté de Nicolas Sarkozy qui a effectué un profond travail de reconstruction de notre famille. Le temps des choix des uns et des autres n’est pas venu. Je prendrai mes responsabilités, mais pas avant le premier semestre 2016. François Fillon a fourni un projet de très grande qualité, réformateur, courageux, auquel j’ai contribué. J’ai un lien de proximité et de fidélité avec lui et je considère aussi que Nicolas Sarkozy a apporté un renouveau à notre famille.