Il y a un peu moins de 100 ans, s’ouvrait une guerre impitoyable, harassante, dévastatrice, épouvantable… Un conflit tel que l’Humanité n’en avait jusqu’alors jamais connu, frappé de l’horreur des tranchées, des obus, du gaz. Depuis le décès de Lazare Ponticelli le 12 mars 2008, il ne reste, hélas, plus aucun poilu pour nous transmettre le vibrant témoignage de cette guerre qui a si profondément bouleversé le monde, la France et jusqu’aux Alpes-Maritimes. Heureusement, les travaux des historiens, les apports des archivistes, et les efforts accomplis par tous ceux qui voient dans la perpétuation du souvenir un combat sans trêve, constituent les gardiens de cette époque tourmentée. À quelques jours du 11 novembre, et à la veille d’une année qui marquera le centenaire du début de la Grande Guerre, le Conseil général a souhaité rendre hommage à tous les soldats morts au champ d’honneur ; à tous les blessés qui regagnèrent leurs foyers, gazés, amputés, privés de nombreux frères d’armes fauchés au front et déchus de l’insouciance de leur jeunesse ; à tous ces hommes issus de notre département S’il a été épargné par les combats, notre territoire s’est distingué par une solidarité à toute épreuve. Les Alpes-Maritimes se révélèrent un formidable lieu d’asile accueillant plusieurs dizaines de milliers de blessés, civils ou soldats, français ou étrangers dans les hôpitaux auxiliaires aménagés par réquisition des hôtels et villas. À cette solidarité « territoriale » s’ajouta une solidarité civique stimulée par l’élan patriotique et encadrée par les pouvoirs publics. Au nom de cette Union sacrée et en celui de toutes les victimes, il nous appartient, 100 ans plus tard, de rouvrir ce chapitre déterminant de notre passé. C’est pourquoi j’ai souhaité que le Conseil général des Alpes-Maritimes mette en œuvre, dès à présent et au cours de l’année 2014, un programme d’événements et d’initiatives qui insiste notamment sur l’aspect humain.
1er versant de l’action du Conseil général : retrouver, rassembler et valoriser les traces de notre passé militaire
Les Archives départementales, sous la Direction de M. Yves Kinossian, sont d’ores et déjà pleinement mobilisées pour que notre territoire se réapproprie le récit de cette période de grands bouleversements. Renouer avec ce passé, c’est, à terme, permettre aux particuliers, aux familles, aux historiens et à tous ceux qui le désirent, d’appréhender en profondeur ce qu’ont pu vivre les habitants d’alors dans un département qui n’a certes pas été un théâtre d’opérations, mais a été marqué par cet épisode sans précédent. De nombreuses démarches vont donc être lancées afin de rechercher, développer, et rendre accessibles toutes les ressources historiques disponibles. La mise en ligne des « registres matricules » des conscrits sur le site des Archives départementales constitue, à cet égard, une opportunité exceptionnelle. Lancée aujourd’hui, grâce à une autorisation très récente de la CNIL (délibération du 10 octobre 2013), elle permet de consulter les documents militaires d’époque concernant les jeunes hommes enregistrés, à leurs 20 ans, dans l’un des bureaux de conscription du département. Sont diffusés les états signalétiques des contingents de 1887 à 1919. Il sera ainsi possible de retracer le parcours de ces Azuréens partis en guerre pour leur Patrie grâce à une multitude d’informations : états civils, états de service, campagnes menées, blessures de guerre ou citations militaires. Désormais accessible gratuitement aux internautes, cette nouvelle et riche base de données présente 180 registres, 84 397 hommes répertoriés, 120 300 documents numérisés, et constitue par conséquent une ressource précieuse à la fois pour les études des chercheurs et pour les démarches généalogiques. Cet apport au fonds d’archives départemental marque en outre le véritable coup d’envoi de notre projet de raviver les sources et documents restituant la réalité de la Grande Guerre dans les Alpes-Maritimes. Le projet Bleuets, porté par l’AGAM (l’Association Généalogique des Alpes- Maritimes) en partenariat avec le Conseil général, est un autre remarquable travail de recueil qui s’est attaché à rechercher les hommes morts pour la France : les natifs du département (7 000) et ceux blessés au front et hospitalisés dans les Alpes- Maritimes (10 000). Sous les auspices de tels résultats, l’AGAM a décidé d’organiser, dans le département des Alpes-Maritimes, et sous l’égide du Conseil général, le premier colloque national « Généalogie et histoire de la Grande Guerre ». Une grande collecte est sur le point d’être lancée aux Archives départementales. Les personnes possédant des documents privés familiaux (lettres, photos, cartes postales…) pourront les déposer les 13 et 15 novembre prochains, afin qu’ils soient numérisés, classés et répertoriés. Cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une opération internationale lancée par la bibliothèque numérique Européana. Elle constituera, à terme, une collection virtuelle européenne unique. Au-delà de ces 2 journées de collecte, les Archives départementales resteront attentives et constamment ouvertes aux dons de biens ayant un rapport avec la Première Guerre mondiale. Une large part de nos ressources seront mises en ligne sur le site des Archives départementales. On peut citer :- une quarantaine de récits d’enfants (de 9 à 14 ans) réfugiés dans les Alpes- Maritimes, venus de la Meuse, de la Marne, du Nord, des Vosges, ou de Belgique ;
- des témoignages oraux de poilus, dont l’un du Colonel Raynal sur la défense du fort de Vaux lors de la bataille de Verdun ;
- des lettres et des correspondances de soldats données par les familles, dont le nombre variera selon le résultat de notre collecte.
2ème versant de l’action du Conseil général : faire découvrir ou redécouvrir notre patrimoine et nos lieux de mémoire
Malgré l’éloignement chronologique de la Première Guerre mondiale, et la disparition des derniers poilus, les monuments aux morts gardent en France leur valeur symbolique et évocatrice pour une très large frange de nos concitoyens. Ils expriment en effet avec force la voix intemporelle d’une génération qui a terriblement souffert pour défendre notre pays. C’est cette voix que le Conseil général des Alpes-Maritimes veut porter en mettant en exergue le patrimoine historique et militaire du département. Un ouvrage sur les lieux de mémoire de la guerre est en cours de préparation. Il se concentrera, notamment, sur les monuments aux morts installés sur notre territoire, avec leur histoire, leur description, des photographies récentes et d’époque superposées. Au travers de la rencontre avec ces monuments, c’est la flamme du souvenir qui sera ranimée une fois de plus, illustrant toute l’ampleur du sacrifice consenti par nos aînés. La pose de flash-codes sur les monuments aux morts a vocation à aider les communes à mettre en valeur ces lieux de mémoire. Elle permettra d’obtenir des informations historiques avec un smartphone. Un tome exceptionnel de la série Passeurs de mémoire sera consacré au patrimoine des Alpes-Maritimes lié à la guerre de 1914-1918. Très documenté, il évoquera les monuments aux morts mais aussi de nombreux lieux de mémoire toponymiques – rues et places de nos communes portant le nom de combattants ou de batailles célèbres – et enfin les hôpitaux auxiliaires.3ème versant de l’action du Conseil général : mettre la guerre en scène dans nos événements traditionnels
Le Conseil général des Alpes-Maritimes élabore, depuis plusieurs années, une offre culturelle de grande qualité accessible à tous, qui sera en 2014 résolument tournée vers les thématiques propres à la Grande Guerre. L’exposition « Clémenceau, le tigre et l’Asie » se tiendra au Musée des arts asiatiques de juillet à octobre 2014, en partenariat avec le Musée Guimet. Elle abordera la découverte spirituelle, personnelle et politique de l’Asie toute entière par l’un des plus grands hommes de l’Histoire de France. Elle sera notamment l’occasion de présenter au public des œuvres issues de sa collection personnelle. Dans le cadre du Festival du conte et des mots, une soirée sera dédiée à la lecture de textes ayant trait à la Grande Guerre. Une expérience particulièrement enrichissante car la guerre, aux limites de la condition humaine, a poussé poètes, romanciers et dramaturges à s’interroger sur le combattant, ses motivations et les passions qui l’animent. L’intérêt de la littérature consiste ainsi à plonger nos imaginaires dans le cœur, insondable et indicible, d’un conflit dépeint « en chair et en os ». Sur le port de Nice, une grande exposition en plein air sera consacrée aux aspects historiques et humains de la Grande Guerre. Elle sera inaugurée le 2 août 2014. Un Festival de rétrospectives de films de guerre aura lieu au cinéma Mercury en octobre 2014. Le Conseil général a l’ambition de faire découvrir ou redécouvrir un siècle de cinématographie où la Grande Guerre fut souvent abordée avec passion, justesse et génie. Cette rétrospective proposera des documentaires et de nombreux films de toutes les époques, au sein d’un programme riche et éclectique, attaché aux émotions et tensions à l’œuvre en temps de guerre.4ème versant de l’action du Conseil général : transmettre la mémoire notamment aux jeunes générations
Depuis près d’un siècle, l’exigence de mémoire de la Grande Guerre s’accomplit grâce à une transmission aux générations successives. Le Conseil général participera à ce « relais de la mémoire » avec une série d’initiatives pédagogiques et de réflexions tout au long de 2014. Une série de conférences sur la Grande Guerre donnera la parole à de grands spécialistes et historiens qui viendront présenter leurs plus récents travaux de recherche. Une exposition des Archives Les Alpes-Maritimes et la guerre de 14-18 est déjà mise à la disposition des établissements scolaires, des offices de tourisme et des associations, sur simple demande. Elle est extraite de l’exposition Les Alpes-Maritimes et les guerres du XXème siècle présentée l’an dernier par les Archives. Le Conseil général soutiendra plusieurs projets éducatifs mis en œuvre au sein des collèges et ayant un lien avec la Première Guerre mondiale. Quelques-uns d’entre eux s’annoncent remarquables :- un programme d’animations extrêmement varié préparé par les enseignants d’histoire-géographie du CIV Valbonne (collecte d’archives personnelles d’élèves en vue d’une exposition dans le collège, découverte d’une pièce de théâtre exposant les circonstances qui ont mené à la guerre…);
- et un spectacle son et lumière, « Mémoire et spectacle de la guerre », élaboré par 2 classes de 3ème de Roland Garros, pour faire comprendre l’expérience de la guerre à partir des écrits laissés par des soldats du 163ème Régiment d’Infanterie.