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Éric Ciotti : « C’est à l’islam de s’adapter à la République, pas le contraire »

Dans son livre « Autorité », paru le 30 avril 2015, le député UMP Éric Ciotti, proche de Sarkozy et de Fillon, formule de nombreuses propositions décoiffantes. Un programme pour Sarkozy ?

Le Point : Dans ce livre, vous reprenez le combat de Nicolas Sarkozy contre l’esprit de Mai 68. Dans ce gouvernement, les figures de Bernard Cazeneuve ou de Manuel Valls vous paraissent-elles relever de cet esprit Mai 68 qui aurait détricoté l’autorité ?

Eric Ciotti : Manuel Valls excelle dans les opérations de communication marquées par des discours de fermeté pour tenter de faire oublier qu’il est à la tête d’un gouvernement gagné par la naïveté et le renoncement. Mais malheureusement, les discours de fermeté du Premier ministre et de son ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ne sont jamais suivis d’actes. Jamais les chiffres de la délinquance et de l’immigration illégale n’ont été aussi mauvais. Sans le rétablissement de l’autorité, sans une cohérence doctrinale, leurs bravades ne tiennent à rien.

Êtes-vous prêt à débattre avec Christiane Taubira du rôle des prisons dans l’appareil judiciaire ?

Force est de constater que depuis la prise de fonctions de Mme Taubira en 2012, la justice de notre pays a considérablement été mise à mal. La France manque cruellement de places de prison. Il y a actuellement 57 400 places de prison pour environ 67 000 détenus. La précédente majorité avait fait voter début 2012 une loi de programmation qui prévoyait notamment la construction de 24 000 nouvelles places de prison d’ici 2017. Mme Taubira s’est empressée d’annuler ce programme de construction, prétextant qu’il y avait trop de détenus en France. Or, notre pays fait partie des pays qui emprisonnent le moins en Europe : moins de 110 personnes pour 100 000 habitants, contre 144 pour la moyenne européenne, 150 en Grande-Bretagne et plus de 700 aux États-Unis. Contrairement à l’étiquette que l’on veut me coller parfois, je ne suis pas pour le tout carcéral, mais la prison est parfois nécessaire. Nos conceptions sont radicalement opposées.

Vous proposez, par exemple, le dépistage de la drogue au lycée. Quelles en seraient les conséquences pour les élèves dont on trouverait des traces de consommation de cannabis ?

Depuis quelques années, on constate que de plus en plus de jeunes sombrent dans la drogue. C’est un fléau qui ne cesse de croître et de toucher des publics de plus en plus jeunes. Mais malheureusement, la plupart des parents concernés ignorent la consommation de stupéfiants de leurs enfants. C’est pour remédier à cette situation que j’ai proposé de rendre obligatoire le dépistage de stupéfiants dans les lycées. Concrètement, le médecin scolaire organisera en collaboration avec le chef d’établissement des dépistages de drogue sur l’ensemble des élèves du lycée au minimum une fois par an. En raison du secret médical, seuls l’élève et ses parents recevront les résultats de l’examen et pourront bénéficier de mesures de soutien et d’accompagnement en fonction de la gravité du problème. Avant que ces jeunes ne trouvent définitivement en situation de décrochage scolaire, il est pour moi essentiel de sortir les parents de l’isolement et de les accompagner dans leur fonction éducative face aux premières consommations de leurs enfants.

Dans votre département des Alpes-Maritimes, vous avez mis en place une « brigade de lutte contre la fraude sociale ». Quels résultats obtenez-vous ? Qui fraude ?

Concernant le RSA, compétence qui relève des départements, j’ai souhaité que le département des Alpes-Maritimes soit un département pionnier dans la lutte contre la fraude afin de réaffirmer l’équilibre indispensable entre droits et devoirs. Ainsi, nous avons créé une brigade « anti-fraude ». Depuis 2011, les sept personnes qui la composent ont réalisé 26 000 contrôles d’allocataires, soit un rythme annuel de 6 500 contrôles, et les droits au versement du RSA de plus de 8 300 personnes qui ne respectaient pas leurs obligations ont été suspendus. Grâce à cette action, 22 millions d’euros ont pu être économisés. 226 plaintes ont été déposées qui ont donné lieu à des condamnations pénales.

Cet ouvrage appelle l’État à se reprendre, à faire sentir le poids de la puissance publique, à se faire respecter. Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, est-il votre modèle ?

J’ai beaucoup de respect pour Charles Pasqua, qui a été un bon ministre de l’Intérieur. Il y en a eu d’autres, de Clemenceau à Nicolas Sarkozy.

Au sein de votre famille politique, Nathalie Kosciusko-Morizet incarne une tendance plus libérale au sens philosophique, assez éloignée de vos principes. Comment voulez-vous que les gens s’y retrouvent si, sous la même étiquette, les électeurs se voient proposer votre discours et le sien ?

Sur beaucoup de points, nos discours convergent. Avec Nathalie Kosciusko-Morizet comme avec d’autres responsables de notre famille politique, il nous arrive de débattre et même quelquefois d’être en désaccord. C’est la force de notre famille politique que de faire vivre le débat d’idées et le pluralisme.

Un point fondamental du débat sur l’immigration : vous proposez de limiter l’acquisition de la nationalité française au seul droit du sang pour les individus extracommunautaires. C’est une proposition ancienne du Front national. En avez-vous discuté avec Nicolas Sarkozy et quelle est sa position ?

Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en discuter avec Nicolas Sarkozy, mais notre famille politique devra apporter des réponses concrètes en matière d’immigration et d’accès à la nationalité si nous voulons remporter les élections en 2017, car l’attente des Français est forte. Pendant trop longtemps, au nom du « politiquement correct » nous avons laissé de côté des préoccupations des Français, laissant un espace trop important aux extrêmes. Il faut vraiment rompre avec cette dictature du politiquement correct, c’est ce que j’ai voulu faire avec mon livre Autorité.

Une dernière question : faut-il modifier la loi de 1905 sur la laïcité pour faire une place à l’islam en France, ce que propose par exemple votre ami François Fillon ?

Je n’y suis pas favorable. La loi de 1905 est marquée par un contexte historique précis : la lutte de la IIIe République contre l’influence de l’Église catholique. Et pourtant, elle est parvenue à incarner une conception universelle de la laïcité portée par la France. Ne touchons pas à cet équilibre patiemment acquis. 110 plus tard, la République doit ouvrir le même débat avec l’islam de France. C’est à l’islam de s’adapter à la République et pas à la République de s’adapter à l’islam. Renversons la charge de la preuve : c’est à l’islam de démontrer par ses efforts sa capacité à intégrer notre récit national.

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