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Affaire Falletti : une atteinte scandaleuse à l’indépendance de la Justice

Tribune d’Eric Ciotti publiée dans le Huffington Post : http://www.huffingtonpost.fr/eric-ciotti/francois-falletti-christiane-taubira_b_4745836.html

Les très récentes révélations du Canard Enchainé et du Figaro sur la convocation dont a fait l’objet François Falletti, procureur général près la Cour d’Appel de Paris, par le cabinet de la ministre de la Justice sont d’une extrême gravité.

L’accusation porte sur les plus proches collaborateurs de la Garde des Sceaux. À la demande de Christiane Taubira, ils auraient fait pression, sur ce haut magistrat pour qu’il quitte « volontairement » ses fonctions, au mépris de nos principes fondamentaux protégeant l’indépendance des magistrats. Le Procureur Général de Paris a même officiellement pris sa plume pour demander à la Garde des Sceaux de cesser ces pressions malvenues, sans quoi il solliciterait la « protection du Conseil Supérieur de la Magistrature ».

Au moment où le Gouvernement installe un nouveau parquet financier, après les tourments de la détestable affaire Cahuzac, quel nouveau stratagème se cache derrière ce jeu annoncé de chaise musicale judiciaire ? Pourquoi la Garde des Sceaux cherche-t-elle à remplacer l’actuel Procureur Général de Paris, dont la compétence et l’intégrité sont reconnus de tous, par un magistrat « de sa sensibilité politique »? Ces questions ne peuvent rester sans réponse. Le lourd soupçon sur les agissements des collaborateurs de la ministre de la Justice ne peut demeurer, sans porter atteinte gravement au fonctionnement régulier de nos institutions.

Les démentis approximatifs de la Garde des Sceaux ne doivent surtout pas détourner l’attention de nos compatriotes, car, une nouvelle fois, nous sommes bien éloignés du «  »Moi président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante, je ne nommerai pas les membres du parquet alors que l’avis du Conseil supérieur de la magistrature n’a pas été dans ce sens. » » déclamé par le candidat socialiste François Hollande le 2 mai 2012. Tentant désespérément de sauver les apparences de la vertu, Alain Vidalies, ministre des Relations avec le Parlement, affirmait ainsi le 5 février qu' »il n’y (avait) pas de quoi fouetter un chat ». Pourtant, un tel fossé entre les paroles de Christiane Taubira et ses actes porte un coup très grave à l’indépendance de la Justice et à l’image qu’elle renvoie auprès des Français.

Conformément à l’histoire de notre justice contemporaine et à sa tradition républicaine, il est loisible au Gouvernement de nommer en conseil des ministres les Procureurs Généraux, en fonction des orientations de politique pénale qu’il entend mener. Mais la tradition républicaine ne signifie en rien un blanc-seing, encore moins l’autorisation de mener une chasse aux sorcières, selon la « sensibilité » du ministre de la Justice. Les nominations des magistrats du Parquet doivent en effet suivre des règles précises édictées par notre loi fondamentale, renforcées d’ailleurs par la dernière réforme constitutionnelle de 2008 voulue par le gouvernement de François Fillon sous l’autorité de Nicolas Sarkozy.

Notre Constitution donne mission au Président de la République d’être le garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. François Hollande sera une nouvelle fois sévèrement jugé par nos compatriotes s’il ne se montre pas à la hauteur de sa fonction.